Dans la course contre la montre, je n’ai même pas pris le temps de dire que j’étais admissible! Premier essai, première admissibilité au CAPES de lettres modernes… contente au point de flotter sur un doux nuage pendant un jour, angoissée à mort pour la suite pendant deux semaines.
Et ensuite, départ à Lille. Toute seule. Dans une ville que je ne connaissais absolument pas. Perdue dans les rues deux fois… et toute de même souriante, me disant « je suis arrivée jusqu’ici, c’est quelque chose!!! ». En fait, j’essayais tout simplement me remonter le moral toute seule.
Devant la fenêtre de ma chambre d’hôtel, deux chevaliers en pierre
« Les chevaliers de ton fils, qui veillent sur toi », me disait Vincent… et je voulais tant le croire.
J’avais la tête dans le ciel, en face, le clocher de l’église St. Maurice
Un ciel gris, mouvementé, un ciel du nord… et ce sentiment de religiosité qui me manquait depuis trop longtemps.
Je suis partie dans la rue, chercher le sourire des gens… dans les magasins, dans une crêperie, ailleurs, pour conjurer l’angoisse, pour ne plus y penser.
Toute de même, réunion d’information mardi après-midi, je ne pouvais plus fuir. J’étais là, parmi tous ces autres, qui veulent, comme moi, une place. Une rencontre merveilleuse, cette jeune fille connue sur un forum, avec qui j’étais en accord parfait (merci, Lilie, Aurélie, pour tout!!!).
Et jusqu’au lendemain, dernières révisions (euh, ce n’est pas le mot juste, survol des notes, des pages…)
Mercredi, dans l’après-midi, devant les feuilles roses de brouillon.
Le choix entre:
Rousseau (hé, oui, c’était son année, je m’y attendais!!!)
Paris, 20 décembre 1754
A Monsieur le Comte de Lastic,
Sans avoir l’honneur, Monsieur, d’être connu de vous, j’espère qu’ayant à vous offrir des excuses et de l’argent, ma lettre ne saurait être mal reçue.
J’apprends que Mademoiselle Cléry a envoyé de Blois un panier à une bonne vieille femme, nommée Madame Levasseur et si pauvre qu’elle demeure chez moi ; que ce panier contenait, entre autres choses, un pot de vingt livres de beurre ; que le tout est parvenu (je ne sais comment), dans votre cuisine ; que la bonne vieille l’ayant appris, a eu la simplicité de vous envoyer sa fille avec la lettre d’avis, vous redemander son beurre ou le prix (qu’il a coûté) ; et qu’après vous être moqués d’elle, selon l’usage, vous et Madame votre épouse, vous avez pour toute réponse ordonné à vos gens de la chasser.
J’ai tâché de consoler la bonne femme affligée en lui expliquant les règles du grand monde et de la grande éducation ; je lui ai prouvé que ce ne serait pas la peine d’avoir des serviteurs s’ils ne servaient à chasser le pauvre, quand il vient réclamer son bien ; et, en lui montrant combien justice et humanité sont des mots de roturier, je lui ai bien fait comprendre à la fin qu’elle est trop honorée qu’un comte ait mangé son beurre.
Elle me charge donc, Monsieur, de vous témoigner sa reconnaissance de l’honneur que vous lui avez fait, son regret de l’importunité qu’elle vous a causée, et le désir qu’elle aurait que son beurre vous eût paru bon.
Que si par hasard il vous en a coûté quelque chose pour le port du paquet à elle adressée, elle vous offre de le rembourser comme il est juste. Je n’attends là-dessus que vos ordres pour exécuter ses intentions et vous supplie d’agréer les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être.
et Jules Laforgue
Spleen
Tout m’ennuie aujourd’hui. J’écarte mon rideau,
En haut ciel gris rayé d’une éternelle pluie,
En bas la rue où dans une brume de suie
Des ombres vont, glissant parmi les flaques d’eau.Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau,
Et machinalement sur la vitre ternie
Je fais du bout du doigt de la calligraphie.
Bah ! sortons, je verrai peut-être du nouveau.Pas de livres parus. Passants bêtes. Personne.
Des fiacres, de la boue, et l’averse toujours…
Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds…Je mange, et bâille, et lis, rien ne me passionne…
Bah ! Couchons-nous. – Minuit. Une heure. Ah ! chacun dort !
Seul, je ne puis dormir et je m’ennuie encor.
La poésie ne m’inspirait pas trop sur le coup, j’ai choisi donc la lettre… mauvais choix, je dirais avec recul. Car la poésie m’aurait permis de sortir quelque chose de mieux.
Mauvaise gestion du temps de préparation également: trop de temps passé sur la question de grammaire (le mot « que »: plan organisé, exhaustif, problématique etc.), j’ai donc été obligée de balayer simplement le texte au lieu de faire une explication complète.
16h30, devant le jury… deux femmes très agréables, souriantes… au point d’être déstabilisée par tant d’attention! La voix qui tremble, l’étouffement pendant mon exposé… pas terrible. Je commence et je vois (ou je crois voir) une attente dans leurs yeux, genre « ça commence bien, attendons la suite! ». La suite… bof. Évidemment, pendant l’entretien, elles m’ont fait reprendre point par point tout ce que j’avais avancé sur le texte, pour clarifier, pour enrichir, pour compléter. J’avais même oublié de préciser le sens littéral du texte, ce qu’il dit, de quoi il parle!!! Aucune question sur le dossier RAEP, aucune question sur la grammaire… que je pense avoir très bien réussi. Et une grande victoire sur moi-même: du tremblement du début de l’exposé au calme et à la disponibilité pendant l’entretien, un énorme pas dans la confiance. Je me disais que c’était ma dernière chance et que… en fait, je ne sais plus, tout simplement, on me posait des questions, il fallait trouver des réponses, et les bonnes réponses si possible. J’ai néanmoins eu un silence… quel autre auteur de la même période, quelle autre œuvre utilise exactement de la même façon l’ironie? Jacques le fataliste, premier essai; Candide, deuxième… oui, mais pas tout à fait de la même manière…. mais…. Montesquieu, bien sur!!! pourquoi ça m’était sorti complétement de tête?! tant pis.
En sortant, j’avais envie de pleurer. La fatigue qui confère à l’épuisement. Aussi, je m’en voulais, je me suis déçue moi-même, je n’ai pas été à la hauteur de mes attentes.
A la maison, la vie, la vraie, reprend le dessus. J’essaie de me détendre, je retourne au jardin… Mais je fais le tout pour accélérer en quelque sorte le temps. Nous attendons les résultats pour ce mercredi-ci, au plus tard pour jeudi. Ma vie, mon avenir en dépend… soit rebelote, encore une année sur le poste actuel, avec préparation du concours, soit une année en tant que stagiaire… la différence est énorme. Et je reste encore dans l’angoisse de cette attente.
Une Réponse à “ça, c’est fait!”
29 mai, 2012 à 1:06
bonjour, je suis surveillant et je compte passer le capes en interne, pourriez vous me donner des pistes pour faire mon dossier ou me donner l’exemple de votre RAEP?
Cordialement,
TUIL David